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La tete et les yeux en l'air
12 novembre 2008

Une sacré bonne femme

Il est midi, je sors de la fac, j'ai l'estomac qui me tiraille. Cours de ce matin épuisant, trois heures de droit, j'ai cru m'endormir sur ma micro-table...Vous savez, quand vous avez le menton qui tombe en avant malgré vous, les yeux qui se ferment et que votre main et votre coude viennent à la rescousse pour que votre tête trop lourde ne se fracasse pas contre la table !

Dehors, la rue est bondée, le temps un peu frisquet. Y a deux-trois militants de lutte ouvrière qui essaient de vendre leur journal et alpaguent les passants. Et puis, il y a du monde, du monde, du monde, qui se rue en pilote automatique vers de nombreuses destinations urgentes.

Essayant de ne percuter personne, je slalome entre les passants pour rejoindre ma boulangerie habituelle, celle qui pratique des prix à moitié exhorbitants pour un jambon-beurre quasi-mangeable. Il y a déjà une queue décourageante devant, alors je soupire et me mets sagement dans le rang.

Juste à côté de l'entrée de la boutique, il y a un clochard. Il a l'air vieux, ce type, son visage est déjà raviné de rigoles rouge. Je n'arrive même pas à lui donner un âge. Il est assis par terre, dans un ramassis de carton, avec un vieux chien dépenaillé à côté de lui. Il me met mal à l'aise. J'essaie de penser à autre chose, mais je n'y arrive pas. Je me sens mal d'attendre devant lui. Il interpelle les gens : "Messieurs-dames, ça fait un an que je suis dans la rue. Si vous pouviez me donner un euro ou un sandwich, ça m'aiderait bien"... "Un ticket restaurant ou une clope ce serait cool aussi, allez, soyez sympa, moi j'ai rien du tout!" "Un sourire, alors, ça coûte rien un sourire, merde, allez soyez cool, vous avez l'air de zombies là, allez...".

De plus en plus gênés, certains regardent du côté opposé. D'autres essaient vaguement de sourire dans la direction du gars, l'essai se concluant par un résultat assez pitoyable. D'autres encore sont très doués et continuent à discuter comme si de rien n'était, souriants et légers.

Une jeune femme sort de la boutique. Je n'aurais pas fait attention à elle, si elle ne s'était dirigée droit vers le gars avec un sandwich : "Donc, voilà votre poulet-crudités. Vous voulez un café?" Le clochard l'a regardée avec un sourire, l'a remerciée et lui a dit qu'un petit noir serait vraiment pas de refus. La jeune femme a disparu très vite, tandis que l'homme lui lançait :"T'es vraiment une fée, toi !" Et c'est vrai qu'elle avait l'air d'une fée, avec ses habits de toutes les couleurs, sa jupe longue et ses cheveux au vent.

Elle est revenue quelques minutes après avec un café dans un gobelet. Elle lui a souhaité une bonne journée, avant de s'envoler définitivement cette fois. "Bonne journée à toi et encore merci!" a gueulé l'homme, avant de regarder comme un trésor le liquide noir qui fumait entre ses mains.

Nous avions tous suivi la scène du coin de l'oeil, puis accompagné du regard la jeune femme qui disparaissait au coin de la rue...Sacrée bonne femme. J'aurais aimé être capable de cela ! Mon tour est arrivé, j'ai commandé mon jambon-beurre à une dame en tablier et suis retournée d'un pas lent vers ma fac...Tout en murmurant malgré moi : sacré bonne femme...

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